Fiscalité des entreprises


Publié le 11 juil. 2025 par Ufuk ZOBALI

Prix de transfert

Obligations de prix de transfert : le point sur les attentes de l’ACD au Luxembourg

Les prix de transfert désignent les conditions (prix, taux, redevances) appliquées entre entreprises d’un même groupe lorsqu’elles échangent biens, services ou financements.

Apparue dès les années 1930 avec l’essor des multinationales, la notion vise à éviter les transferts artificiels de bénéfices entre juridictions : depuis la dernière décennie, les obligations se sont endurcies et chaque transaction intragroupe doit donc être fixée « comme si elle intervenait entre entreprises indépendantes » (principe de pleine concurrence, art. 9 du Modèle OCDE).

Pour satisfaire cette exigence, le contribuable doit analyser les fonctions, actifs et risques assumés par chaque entité, sélectionner une méthode appropriée (CUP, TNMM, marge-coût, rendement sur actifs, etc.), comparer ses conditions à celles observées sur le marché et conserver une documentation contemporaine démontrant la conformité des prix retenus. Cela se matérialise par une documentation prix de transfert.

I. Pourquoi s’en préoccuper aujourd’hui ?

L’Administration des contributions directes (ACD) intègre désormais systématiquement un volet prix de transfert (TP) dans ses contrôles, quel que soit la taille du contribuable. Les dernières versions des déclarations fiscales imposent déjà de déclarer l’existence de transactions intragroupe, et les nouvelles circulaires renforcent l’exigence de justification de taux ou de marges « arm’s length ».

II. Financements intragroupe : la fin des  prêts non documentés

Depuis la circulaire LIR 56/1-56bis/1, toute société luxembourgeoise qui accorde ou reçoit un financement intragroupe doit :

  • décrire son analyse fonctionnelle (fonctions, actifs, risques) ;
  • sélectionner une méthode de fixation de prix appropriée (CUP, TNMM cost + ou rendement sur actifs) ;
  • conserver un benchmark (taux net après impôt pour un prêteur purement adossé).

Un simple prêt miroir non garanti ne justifie qu’un mini-spread de quelques points de base. Un spread plus large exige la preuve d’un risque réellement assumé.

III. Comptes courants d’associé débiteurs (CCA)

La circulaire LIR 164/1 du 29 janvier 2025 supprime le taux forfaitaire historique de 5 % et oblige à appliquer un taux de marché :

  • Personne physique : moyenne « crédits à la consommation 1-5 ans ».
  • Société liée : taux BCL « prêts > 1 M€ aux SNF » ajusté du risque (garantie, maturité, devise).

Ces taux doivent être recalculés annuellement sur la moyenne du solde débiteur et étayés par des  analyses.

IV. Transactions sur actifs incorporels – Article 50ter LIR

Le nouvel IP Box (article 50ter) exonère 80 % du revenu net provenant d’actifs qualifiés, mais exige :

  • un suivi précis des coûts R&D éligibles (approche nexus) ;
  • une justification TP du prix d’éventuelles cessions ou licences intra-groupe ;
  • la production, sur demande, d’une documentation démontrant que les revenus et charges attribués à l’IP reflètent la valeur créée et les fonctions exercées.

V. Conclusion

En réalité, pour toutes les transactions liées, l’article 56 LIR, est aligné sur les Principes OCDE et impose une analyse au cas par cas et la mise à disposition d’une documentation conforme sous 30 jours sur demande. 

L’ACD cible désormais toutes les entreprises réalisant des transactions intragroupe, même sans obligation formelle de master file / local file. Les petites structures disposant d’un simple compte courant d’associé ou d’un financement adossé doivent donc anticiper et conserver la trace de leurs comparables ou analyses.

Le Luxembourg renforce année après année son cadre prix de transfert : financements adossés (56/1), CCA débiteurs (164/1), revenus IP (50ter) et, plus largement, toute transaction contrôlée. La documentation n’est plus l’apanage des grands groupes ; chaque société exposée à des flux intragroupe doit pouvoir démontrer, chiffres à l’appui, que ses prix et taux sont de pleine concurrence. Anticiper aujourd’hui, c’est éviter ajustements coûteux et pénalités demain.


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