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Publié le 26 nov. 2025 par Nathalie CHIARADIA

1. Le régime des retraites du secteur privé

Il existe deux régimes de pension, le régime général pour le secteur privé (salariés et indépendants) et le régime spécial pour le secteur public.

Depuis le 1er janvier 2009, toutes les caisses de pensions du secteur privé (ouvriers, employés, artisans, commerçants, agriculteurs) ont fusionné pour ne former plus qu’une seule caisse dénommée la Caisse Nationale d’Assurance Pension (CNAP). La CNAP gèrent les pensions vieillesse, les pensions d’invalidité et les pensions de survie.

Le système de pension vieillesse est un système par répartition (c’est à dire que les actifs cotisent au cours d’une année pour les pensionnés de cette même année) par opposition au système de capitalisation (le placement de sommes qui sont investies et décaissées au moment de la pension). Il existe néanmoins une petite dose de capitalisation puisque la loi impose à la CNAP d’avoir en permanence au minimum des réserves d’avance pour une durée de 18 mois.

La source de financement principale de la CNAP provient donc des cotisations pension sur les revenus professionnels plafonnés à 5 fois le salaire social minimum (SSM) :

  • 8% en provenance des salariés 
  • 8% en provenance des employeurs 
  • 8% en provenance de l’Etat

Soit un total de 24 %.

Le 1er janvier 2026, le taux global passera à 25,5%, soit 0,5% en supplément par débiteur.

2. L’octroi d’une pension de retraite

L’octroi de la pension vieillesse est conditionné non seulement par l’âge de la personne mais aussi par les périodes d’assurance. Les périodes d’assurance sont inscrites d’office, ou sont à faire inscrire sur l’extrait de carrière transmis annuellement par la CNAP à l’assuré.

Il existe 5 types de périodes d’assurance et les unités de périodes pris en compte pour la pension sont des mois.

2.1 Les périodes d’assurance obligatoire :

2.1.1 Les périodes d’activité professionnelle (salarié et non salarié)

L’activité peut aussi bien être exercée sous le régime salarié que sous le régime indépendant.

Il faut avoir travaillé au moins 64 heures au cours d’un mois pour que ce mois de cotisations soit mis en compte. En dessous de 64 h, le nombre d’heures est reporté au mois suivant.

Exemple :

Lucas commence à travailler au Luxembourg en temps partiel au cours du mois d’octobre. Voici le décompte des périodes d’assurance pour ses 6 premiers mois de travail :

Année Mois Heures de travail Nombre de périodes d’assurance
2025 Octobre 48 < 64 0 mois : report en novembre
  Novembre 40+ Report d’octobre de 48 = 88>64 1 mois : le solde n’est pas reporté
  Décembre 40 < 64 0 mois : report en janvier
2026 Janvier 20 + Report de décembre de 40 = 60 < 64 0 mois : le solde de décembre et janvier est reporté en février
  Février 48 + Report de décembre et janvier de 60 = 108 > 64 1 mois : le solde n’est pas reporté
  Mars 64 1 mois
Total 6 mois 260 3 mois

2.1.2 Les périodes avec revenus de remplacement (maladie, maternité, chômage)

2.1.3 Les périodes « Baby-Years »

Il s’agit d’une période de 2 années à compter du mois suivant la naissance ou l’adoption d’un enfant, ou, le cas échéant, le mois suivant la date de l’expiration de l’indemnité pécuniaire de maternité (4 ans si au moins 2 autres enfants au moment de la naissance ou de l’adoption) qui consiste à la mise en compte sur l’extrait de carrière :

  • d’une période d’assurance (si arrêt de travailler pendant ces 2 ans (ou 4 ans),
  • mais aussi d’un revenu fictif correspondant à la moyenne mensuelle des revenus cotisables portés en compte au titre de l’assurance obligatoire au cours des 12 derniers mois précédant celui de la naissance de l’enfant sans être inférieur au minimum mensuel de 270,28 € indice 100 base 84, soit 4063,30 € en 2025. 

La condition essentielle d’octroi de la période du baby-years est d’avoir eu au moins une période de cotisations d’assurance obligatoire d’un an au cours des 3 années qui précédent la naissance (ou l’adoption) de l’enfant.

La période de baby-years et le revenu fictif correspondant ne sont pas acquis d’office. Il faut en faire la demande au plus tôt à partir de l’âge de 4 ans de l’enfant, et au plus tard au moment de la demande de pension. Désormais, la demande doit être signée par les 2 parents car la période peut, au choix des parents, être partagée entre les deux parents ou attribuée qu’à un seul.

Lorsque le parent continue à travailler à temps complet ou réduit son temps de travail pendant la période baby-years », les mois travaillés sont pris en compte dans le cadre des périodes d’assurance obligatoire. Si, avant la demande de pension, ce même parent fait auprès de la caisse de pension une demande de baby-years, il n’y aura donc pas de période complémentaires mise en compte mais il y aura néanmoins un revenu fictif supplémentaire.  

De la même manière, lorsque le parent choisit de prendre un congé parental directement après le congé de maternité, la période baby-years n’est pas repoussée et la période congé parental reste incluse dans la période baby-years. L’octroi de l’indemnité du congé parental n’est pas incompatible avec le revenu fictif de la période baby-years et le parent aura bien droit à la mise en compte d’un revenu fictif supplémentaire pendant la période baby-years pour le calcul de sa pension.

Exemple :

Mme Weber accouche le 2 mai 2025, 2 jours avant le terme. Son salaire mensuel moyen entre mai 2024 et avril 2025 s’élevait à 5000 € brut. Le congé de maternité se termine donc le 26 juillet 2025. La période baby-years démarre le 1er aout 2025 jusqu’au 31 juillet 2027.

Si Mme Weber prend un congé parental de 6 mois jusqu’au 27 janvier 2026 et si Mme Weber arrête de travailler après le congé parental, elle aura droit à la période baby-years jusqu’au 31 juillet 2027 ainsi qu’à un revenu fictif complémentaire mensuel de 5000 € brut pour cette période de 2 ans du 1er aout 2025 au 31 juillet 2027 qui servira pour le calcul de sa pension.

Si Mme Weber arrête de travailler après le congé de maternité sans prendre de congé parental, elle aura droit à la période baby-years jusqu’au 31 juillet 2027 ainsi qu’à un revenu fictif complémentaire mensuel de 5000 € pour cette période de 2 années qui servira pour le calcul de sa pension.

Si Mme Weber décide de travailler à mi-temps après le congé parental, la période d’assurance obligatoire est d’office réalisée avec le congé parental et la reprise de son travail même à mi-temps. Elle aura également droit à un revenu fictif complémentaire mensuel de 5000 € pendant la période baby-years pris en compte pour le calcul de sa pension même si elle a repris une activité à mi-temps.

Remarque : Si le salaire mensuel moyen de Mme Weber des 12 mois qui précèdent la naissance de l’enfant avait été de 3500 € brut, c’est le montant minimal de 4063,30 € mensuel qui aurait été mis en compte du 1er aout 2025 au 31 décembre 2025 sur son extrait de carrière au titre de la période baby-years.

2.1.4 Les périodes de congé parental

Les périodes de congé parental indemnisé sont également prises en compte au titre de l’assurance pension comme périodes d’assurance obligatoire. Elles peuvent se cumuler avec les baby-years (la période baby-years n’est pas repoussée par le congé parental).

2.1.5 Les périodes d’apprentissage

Il s’agit des périodes d’apprentissage indemnisées correspondant à une formation professionnelle après l’âge de 15 ans.

2.1.6 Les périodes de soins à une personne dépendante

Sont également comptabilisées comme périodes d’assurance (obligatoire ou complémentaires selon les cas) certaines périodes pendant lesquelles l’assuré dispense des soins à une personne dépendante reconnue par l’assurance dépendance.

2.2 Les périodes d’assurance complémentaire

Les périodes d’assurance complémentaire se distinguent des périodes d’assurance obligatoire par le fait que ces périodes ne sont pas couvertes par des cotisations. Elles ne sont prises en compte pour l’ouverture du droit à la pension qu’à partir de 60 ans dans la mesure où elles ne sont pas autrement couvertes par un régime d’assurance de pension luxembourgeois ou étranger. Pour le calcul du montant de la pension, elles ne sont prises en compte que pour l’acquisition des majorations forfaitaires ainsi que pour le calcul de la pension minimale.

2.2.1 Les périodes de pension d’invalidité

2.2.2 Les périodes de formation

Même si elles n’ont pas forcément donné lieu à l’obtention d’un diplôme, les périodes d’étude à partir de 18 ans jusqu’à 27 ans sont en principe prises en compte. C’est au moment de l’introduction de la demande de pension que des justicatifs de formation sont demandés. Il est préférable de fournir également les certificats de scolarité si les années d’études ne sont pas en continue ou n’ont pas été sanctionnées par l’obtention d’un diplôme.

Exemple :

Martine a eu son baccalauréat à 18 ans en 1987. Elle a poursuivi ses études supérieures en gestion et a obtenu un premier diplôme à 20 ans en 1989. Désireuse de poursuivre ses études, Martine a passé un concours pour entrer en Maîtrise (bac +4). Malheureusement, elle n’a pas réussi son concours et s’est donc inscrite à la faculté de Sciences économiques en 1er année pour retravailler le concours. En 1990, Martine réussit le concours et intègre une formation en Maitrise. Elle obtient son diplôme en 1992. Toujours désireuse de se former davantage, Martine a ensuite poursuivi par une formation supplémentaire d’une année en cycle post-universitaire. Martine a donc effectué 6 années d’études supérieures (dont 1 non validée par un diplôme), qu’elle va pouvoir mettre en compte en tant que périodes complémentaires pour prendre sa retraite anticipée à partir de 60 ans.

2.2.3 Les période de carence imposées au jeune demandeur d’emploi avant l’ouverture du droit à l’indemnité de chômage complet

2.2.4 Les périodes d’éducation de l’enfant âgé de moins de 6 ans

Ces périodes ne peuvent être inférieures à 8 années pour la naissance de deux enfants, ni être inférieures à 10 années pour la naissance de trois enfants.

Exemple :

Une personne a interrompu son activité de travail pour élever ses enfants nés respectivement le 06 décembre 2010 et le 10 juillet 2012. Les périodes complémentaires prises en compte pour l’ouverture du droit à la pension sont donc :

  • du 06/12/2010 au 06/12/2016 pour le premier enfant
  • du 10/07/2012 au 10/07/2018 pour le second enfant

Au total une période de 7 ans,7 mois et 4 jours est donc couverte. Cette période s’étend à 8 ans car c’est la période minimale pour 2 enfants.

2.3 Les périodes d’assurance volontaire

Lorsqu’une personne ne cotise plus dans le régime de pension obligatoire, elle a la possibilité de s’affilier volontairement à l’assurance pension auprès du Centre commun de la sécurité sociale (CCSS). Cette assurance volontaire a pour but de maintenir la carrière d’assurance pension et par conséquent le droit aux prestations de l’assurance pension vieillesse. Par ailleurs, lorsqu’une personne est à temps partiel ou souhaite réduire son temps de travail, elle peut également augmenter ses cotisations pour sa carrière d’assurance pension, ou bien compléter les mois d’assurance pension manquants par une assurance volontaire.

2.3.1 La période d’assurance continuée

Il s’agit d’une affiliation volontaire en cas d’interruption ou de réduction de l’activité professionnelle.

La demande doit alors être introduite dans les 6 mois après la perte de l’affiliation en cas d’interruption, sous condition d’avoir été affilié au moins 1 an à l’assurance obligatoire au cours des 3 années qui précèdent la demande.

2.3.2 La période d’assurance facultative

Il s’agit d’une affiliation volontaire en cas d’inéligibilité à l’assurance continuée, et en cas d’interruption ou de réduction de l’activité professionnelle pour raisons familiales à condition toutefois de ne pas avoir dépassé l’âge de 65 ans et avoir cotisé au moins un an d’assurance obligatoire.

Le demandeur est libre de fixer l’assiette cotisable pour les périodes d’assurance continuée ou facultative avec cependant une fourchette qui est :

  • au minimum un tiers du Salaire Social Minimum (SSM) pendant 5 ans, puis le SSM
  • au maximum la moyenne des 5 revenus cotisables annuels les plus élevés ou 2 fois le SSM, sans dépasser toutefois le plafond annuel cotisable qui est de 5 fois le SSM

2.3.3 Les périodes d’assurance rétroactives rachetées

Les personnes qui ont soit abandonné, soit réduit leur activité professionnelle pour des raisons familiales peuvent couvrir ou compléter les périodes correspondantes par un achat unique et rétroactif sur une même période, à condition qu’elles aient été affiliées obligatoirement pendant au moins 12 mois et qu’au moment de la demande elles n’aient pas dépassé l’âge de 65 ans.

Les périodes pouvant faire l’objet d’un rachat sont notamment celles intervenues suite à un mariage ou un partenariat, les périodes d’éducation d’un enfant mineur, les périodes de soin à une personne dépendante, et les périodes d’affiliation à un régime de pension étranger non couvert par un accord bi-ou multilatéral.

Pour les personnes qui ont abandonné l’activité professionnelle, le rachat leur permet d’obtenir des périodes supplémentaires pour l’âge du départ à la retraite et mettre en compte des montants supplémentaires sur leur extrait de carrière. Pour les personnes qui ont réduit leur activité, les périodes étant déjà mises en compte (sauf si le plancher des 64 heures par mois n’était pas atteint), le rachat leur permet uniquement de mettre en compte des montants supplémentaires sur leur extrait de carrière.

L’assiette cotisable est au choix de l’assuré soit 1 fois le Salaire Social Minimum (SSM), soit 1,5 fois le SSM, soit 2 fois le SSM soit 2,5 fois le SSM.

Exemple :

Thierry a arrêté de travailler en 2021 pour s’occuper de sa maman malade. En 2022, il reprend le travail car c’est le frère de Thierry qui prend le relai pour s’occuper de leur maman toujours malade. N’ayant pas choisi l’assurance continuée pour cette période de 2021, Thierry souhaite racheter des périodes de cotisations pour cette année manquante. Il choisit l’assiette de cotisation de 2,5 fois le minimum cotisable.

En 2021 :12 mois de SSM : 26.588,28 €
2,5 X 12 mois de SSM : 66.470,52 €

Rappel de cotisations 2022 : 66.470,52 € X 16% = 10.635,28 €

3. L’âge de la retraite

L’âge légal de la pension vieillesse est de 65 ans. Il faut cependant avoir cotisé pendant au moins 10 ans dans un pays de l’UE ou de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE), dont 1 seule au minimum au Luxembourg, pour avoir droit à une pension au Luxembourg à l’âge légal.

Toute pension prise avant l’âge de la pension légale est une pension anticipée. L’âge de la retraite de la pension anticipée dépend de la nature des périodes d’assurance.

A partir de 57 ans, il est possible d’obtenir une retraite anticipée à condition d’avoir 40 ans (= 480 mois) de périodes de cotisations d’assurance obligatoire dans un pays de l’UE ou de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) dont 1 seule au minimum au Luxembourg.

A partir de 60 ans, il est possible d’obtenir une retraite anticipée à condition d’avoir 40 ans (= 480 mois) de périodes de cotisations d’assurance obligatoire, complémentaire ou volontaire dont au moins 10 ans de cotisations d’assurance obligatoire ou volontaire dans un pays de l’UE ou de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) dont 1 seule au minimum au Luxembourg.

4. La demande de pension

Le versement de la pension n’est pas automatique. Il faut impérativement en faire la demande.

A partir de 55 ans, chaque personne ayant cotisé, résidente ou non, peut demander la date prévisible de retraite ainsi qu’une estimation de sa pension vieillesse à condition d’exercer ou d’avoir exercé une occupation professionnelle en tant que salariée ou indépendante sous le régime général d’assurance pension.

En cas de carrière exclusivement nationale, il est recommandé d’introduite la demande de pension auprès de la CNAP (Caisse Nationale d’Assurance Pension) environ 3 à 6 mois avant la date prévisible de retraite.

En cas de carrière mixte (dans plusieurs pays), il est recommandé d’introduire la demande de pension auprès de l’organisme compétent du lieu de résidence environ 6 à 9 mois avant la date prévisible de retraite. Le délai de traitement est plus long qu’en cas de carrière exclusivement nationale car cet organisme va se charger de contacter les organismes compétents des autres pays concernés (le futur pensionné doit néanmoins préciser qu’il a aussi cotisé dans un autre pays).

Le travailleur reçoit une pension de chaque Etat selon la règlementation de chaque Etat, à condition toutefois qu’il ait été assuré dans le pays au moins une année.

Ainsi, si un frontalier a cotisé moins d’un an et le reste de sa carrière dans son pays de résidence, c’est la caisse de pension de ce pays qui verse intégralement sa pension. Dans ce cas, il est possible de demander le remboursement des cotisations payées au Luxembourg (part assuré et part patronale). Cette demande est à introduire à compter de 65 ans auprès de la CNAP au moyen du formulaire « Demande de pension » classique tout en cochant «Demande de remboursement de cotisations après l’âge de 65 ans ».

Si le frontalier a effectué une carrière mixte et perçoit des pensions de différents pays, il n’y aura pas de cotisation sociale luxembourgeoise sur sa pension luxembourgeoise. En effet, ce sont les cotisations du pays de résidence qui seront d’application car il n’est pas possible de cotiser socialement dans plusieurs pays, mais seulement dans un seul.

Pour les frontaliers français qui ont travaillé très peu en France et beaucoup au Luxembourg, il est parfois judicieux de procéder à un petit calcul avant de demander à percevoir la pension française pour vérifier si cela est vraiment intéressant. En effet, les cotisations sociales françaises étant nettement plus élevées que les cotisations sociales luxembourgeoises, le fait de demander la pension française peut amener ensuite à cotiser en France sur la pension luxembourgeoise avec un montant de pension française plus faible que le montant des cotisations sociales françaises sur la pension luxembourgeoise. A l’inverse, ne pas demander la pension française ne remettrait pas en cause la prise en compte par la CNAP des périodes de cotisations françaises pour le calcul des 480 mois.


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