Recruter des salariés hautement qualifiés à l'étranger: le régime fiscal des impatriés
Le Luxembourg fait face à une pénurie de main-d’œuvre hautement qualifiée notamment dans ses marchés porteurs que sont les secteurs financier (banque, audit, assurance) et des technologies de l’information. Le pays ayant toujours focalisé son économie sur le secteur tertiaire, la main-d’œuvre nationale et de la Grande Région suffisait jusque-là à soutenir sa croissance et combler ses besoins d’employabilité.
Mais dans un contexte de changement rapide et de concurrence exacerbée sur la scène européenne et mondiale, ce bassin de main d’œuvre ne suffit plus. Le Luxembourg et les entreprises doivent mettre en œuvre de nouvelles stratégies pour attirer des talents provenant du grand international, afin de rester compétitifs. Le jeu de « débauchage » utilisé par les chasseurs de tête pour faire face à cette pénurie est une solution à court terme ayant pour effet un jeu de « chaises musicales » et d’augmentation artificielle des salaires et prestations en nature.
Pour supporter les entreprises dans le long terme et encourager les spécialistes à s’installer au Luxembourg, le pays a mis en place un régime fiscal au profit des salariés hautement qualifiés, autrement appelés « impatriés ».
Le dispositif fiscal encadrant le régime des impatriés est codifié à l'article 115-13b LIR(1). Il précise notamment le panel des dépenses et charges éligibles que l’entrepris peut engager et déduire fiscalement dans le cadre d’une embauche sur le marché international de salariés hautement qualifiés. Ces dépenses représenteront des rémunérations idirectes pour le salarié impatrié mais auront l’avantage de ne pas s’ajouter à son assiette fiscale de l’impôt sur le revenu.
Ce faisant, l’employeur a tout intérêt à prendre à sa charge une partie des frais tels que le déménagement et l’installation des salariés sélectionnés, afin d’être attractif auprès des talents convoités et de pouvoir dans le même temps optimiser fiscalement ces dépenses.
Le dispositif permet en outre aux employeurs de verser une prime d'impatriation exonérée à concurrence de 50% aux salariés recrutés à l'étranger pour compenser la différence que ces salariés subissent entre le coût de la vie dans leur pays d'origine et le coût de la vie au Luxembourg.
Qui sont les salariés hautement qualifiés?
Selon les termes de la loi fiscale, est un salarié hautement qualifié ou impatrié :
- Soit le salarié qui, travaillant habituellement à l’étranger, est détaché d’une entreprise d’un groupe international située hors du Luxembourg pour exercer une activité salariée dans une entreprise luxembourgeoise faisant partie du même groupe international ;
- Soit le salarié directement recruté à l’étranger par une entreprise luxembourgeoise pour exercer une activité salariée dans l’entreprise.
Dans les deux cas, il s'agit de salariés ayant une rémunération brute (hors avantages en nature) supérieure à 100.000 € par an.
Conditions d’applications communes aux salariés détachés et aux salariés recrutés à l’étranger
Pour bénéficier de ce régime fiscal des impatriés, le salarié spécialisé doit remplir des conditions d’éligibilité :
- Exercer son activité salariée à titre principal au Luxembourg ;
- Établir sa résidence fiscale au Luxembourg et ne pas avoir été résident fiscal luxembourgeois au cours des 5 dernières années ;
- Ne pas avoir habité dans un rayon inférieur à 150 km de la frontière luxembourgeoise au cours des 5 années précédentes ;
- Ne pas avoir été soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques au Luxembourg durant les 5 dernières années d’imposition ;
- Ne pas remplacer d’autre(s) salarié(s) non visé(s) par le régime fiscal des impatriés.
Conditions d’éligibilité pour le cas spécifique des salariés détachés
Dans le cas du salarié détaché, celui-ci doit justifier d’au moins 5 années d’ancienneté dans le groupe international ou 5 années d’expérience professionnelle spécialisée dans le secteur visé.
Un contrat de travail doit être maintenu entre l’entreprise d’origine et le salarié pendant la période de détachement et doit porter mention d’un droit de retour vers l’établissement d’envoi lorsque la période de détachement prend fin.
Un contrat doit également exister entre l’entreprise à l’origine du détachement et l’entreprise d’accueil au Luxembourg.
Conditions d’éligibilité en cas de recrutement
Le salarié impatrié doit disposer d’une spécialisation approfondie dans le secteur concerné.
Conditions applicables à l’employeur
Le régime fiscal des salariés hautement qualifiés peut s'appliquer jusqu’à 30% maximum de l'effectif total (emplois à plein temps). Néanmoins, cette condition ne s’applique pas aux entreprises qui existent depuis moins de 10 ans.
Dépenses prises en charges et défiscalisation
Les dépenses liées à l'impatriation doivent être distinguées entre d'une part les dépenses non répétitives entraînées par le déménagement et d'autre part les dépenses répétitives engendrées par la vie au Luxembourg pour lesquelles un plafond chiffré s'appliquera.
Les charges non-répétitives
les charges non-répétitives admissibles dans le cadre du dispositif d'impatriation sont notamment:
- les frais de déménagement;
- les frais d'aménagement du logement luxembourgeois;
- les frais de retour à l'issue de la période d'affectation de l'impatrié.
Ces charges non répétitives sont prises en compte pour l’intégralité de leur montant, pour autant que ce montant reste raisonnable.
Il convient d'observer que les frais de vente ou de résiliation du contrat de bail de l’ancienne résidence, ainsi que les frais de déplacement pour la recherche d’un nouveau logement ne sont pas pris en compte.
Les charges répétitives
Les charges répétitives admissibles seront notamment:
- les frais de logement de la résidence au Luxembourg si la résidence dans le pays d'origine est maintenue;
- les frais d'un voyage par an pour l'impatrié et sa famille dans son pays d'origine;
- le différentiel entre la charge fiscale subie au Luxembourg et celle dans le pays d’origine du salarié;
- les frais supplémentaires de scolarité subis par les enfants de l'impatrié par rapport à ceux subis dans le pays d'origine.
- la moitié de la prime d'impatriation versée pour compenser la différence entre le coût de la vie au Luxembourg et le coût de la vie dans le pays d'origine de l'impatriée. Cette prime doit cependant être limitée à 30% du salaire brut de l'impatrié.
Les charges non-répétitives doivent cependant rester inférieures à 50.000 € par an (ou 80.000 € en cas d'imposition collective) et 30% du total des rémunérations de l'impatrié.
Durée du régime fiscal et procédure
Le salarié impatrié peut bénéficier du régime pendant une durée maximum de 8 ans suivant son entrée en service au Luxembourg. Le régime fiscal peut également prendre fin lorsque l’une des conditions d’éligibilité n’est plus remplie du côté de l’impatrié, de l’employeur ou de l’emploi.
Enfin, l’employeur se doit de communiquer à l'Administration des Contributions Directes chaque année (au plus tard le 31 janvier) et par écrit, une liste des salariés bénéficiant de ce régime.
(1) Ce paragraphe 13b de l'article 115 LIR est issu de la loi du 19 décembre 2020 et vient remplacer et compléter par voie législative les dispositions de la circulaire L.I.R. N° 95/2 du 27 janvier 2014.