Droit des sociétés


Publié le 14 nov. 2014 par Claude Prat

Pour rendre plus attractive encore la place financière luxembourgeoise, vis-à-vis d’une concurrence suisse mais aussi allemande, autrichienne, belge et néerlandaise, qui ont déjà introduit ce type de structure dans leur législation, et compléter son arsenal législatif en matière de gestion du patrimoine privé en introduisant un outil que l’on pourrait presque qualifier de « trust luxembourgeois », les autorités du pays ont dans un projet de loi de mars 2013 (aujourd’hui en examen à la commission des Finances et du Budget) introduit la possibilité d’une nouvelle structure « la fondation patrimoniale » qui permettrait aussi de concurrencer le « trust anglo-saxon ».

L’originalité de la « fondation patrimoniale » est, tout en ayant une organisation tripartite comme le trust, de proposer une personnalité juridique et une unicité de patrimoine, inexistantes dans le trust.

La mise en œuvre de la fondation patrimoniale luxembourgeoise

La justification et l’utilité de ce nouveau véhicule serait d’assurer la cohésion du patrimoine familial et sa conservation ainsi que la continuité de la gestion et la protection de la vie privée.

Pour cela, la « fondation patrimoniale » aura une existence juridique propre, qui assurera sa sécurité et sa protection tout en permettant la gestion de son objet social. Cet objet social serait limité à la gestion et à l’administration d’un patrimoine privé à l’exclusion de toute activité commerciale. Il n’y aura pas en revanche de limitation quant à la qualité des actifs détenus (actions, brevets, immeubles, etc…), contrairement à ce qui se passe pour la SPF.

Contrairement à une structure classique, cette fondation sera dite « orpheline » en ce sens qu’elle n’aura ni actionnaires, ni associés, mais qu’elle sera la convergence de trois types de participants : les fondateurs, les bénéficiaires et les gestionnaires.

Le ou les fondateurs déterminent l’acte constitutif et apportent les biens à la fondation. Ils sont en fait les « deus ex machina » de la structure. Ils désignent, dans l’acte constitutif, les personnes ou organisations qui bénéficieront des produits ou du capital des actifs apportés.

L’ensemble de ces actifs sera géré par les gestionnaires (ou fiduciaire) qui seront chargés de faire fructifier le capital apporté et de faire respecter les volontés des fondateurs.

L’acte constitutif, de la même manière que pour les structures classiques, sera obligatoirement un acte authentique, rédigé et contrôlé par un notaire luxembourgeois. Cet acte indiquera l’identité du ou des fondateurs, la dénomination de la fondation patrimoniale, la durée de la fondation, le siège (nécessairement au Luxembourg), l’objet, le montant de la dotation initiale libérée (minimum 50 000€ en numéraire ou en nature), l’identité des administrateurs et ou des membres du conseil de surveillance et qui désignera, de manière directe ou indirecte, les bénéficiaires.

Pour protéger l’anonymat des participants et bien que l’acte constitutif doive être publié au Mémorial C, les administrateurs devront faire déposer un extrait au registre du commerce qui mentionnera seulement la dénomination de la fondation patrimoniale suivi de mention « fondation patrimoniale », la durée, le siège, l’objet de la fondation et l’identité des administrateurs et ou des membres du conseil de surveillance.

De même, bien que la tenue d’une comptabilité et l’établissement de comptes annuels soient obligatoires, les comptes ne sont ni déposés ni publiées au RCS.

Notons aussi que, bien que l’immatriculation au registre du commerce soit obligatoire, cela ne confèrera pas pour autant un caractère commercial à la fondation.   

Le fonctionnement de la fondation patrimoniale luxembourgeoise

La fondation patrimoniale sera gérée soit par un ou plusieurs administrateurs (personnes physiques ou morales), soit par des administrateurs chapeautés par un conseil de surveillance.

La nomination d’un conseil de surveillance sera obligatoire pour les fondations dont le patrimoine est supérieur à 20M d’euros et qui comptent plus de 5 bénéficiaires.

Le fondateur pourra être aussi administrateur de la fondation, mais un administrateur ne pourra pas être membre du conseil de surveillance.

Le ou les administrateurs accompliront tous les actes nécessaires à la réalisation de l’objet social. Le rôle du conseil de surveillance est de contrôler la gestion des administrateurs.

Le régime fiscal de la fondation patrimoniale

  • Imposition de la fondation et des distributions

La fondation sera fiscalement opaque et sera imposable à l’impôt sur le revenu des collectivités, mais aussi à l’impôt commercial. En revanche, elle ne sera pas soumise à l’impôt sur la fortune.

Cependant, le projet de loi prévoit l’exonération de certains revenus comme (i) les revenus de capitaux mobiliers, (ii) les plus-values issues de la cession des biens générant ces revenus (notamment les participations détenues depuis plus de 6 mois) et (iii) les revenus liés à un contrat d’assurance vie.

Les sommes versées par la fondation ne seront pas des dividendes et donc ne seront pas soumises à une retenue à la source.

  • Droits de succession et de mutation

La transmission de biens à titre gratuit de la fondation vers un bénéficiaire et du vivant du fondateur sera assujettie aux droits d’enregistrement qui seront calculés en fonction du lien de parenté entre ces derniers.

Ensuite, au jour du décès du fondateur, résident ou non au Grand-duché, des droits de succession seront dus à des taux spécifiques (plus favorables que le droit commun). Cela  pourrait pousser des résidents luxembourgeois à créer une fondation patrimoniale.

Si le fondateur n’est pas résident luxembourgeois, seuls les biens immeubles situés au Luxembourg seront soumis aux droits de succession au Luxembourg.

  • Le principe du « set up »

Le projet de loi propose aussi la modification de l’article 102 du LIR de manière à permettre aux nouveaux résidents au Luxembourg de transférer dans la fondation patrimoniale leur participation importante située à l’étranger à la valeur estimée au jour où la personne devient résidente au Luxembourg.

En conclusion, l’objectif du gouvernement luxembourgeois avec l’introduction probable de ce nouvel outil est de répondre à la concurrence des pays qui ont déjà fait cette démarche pour offrir une alternative aux trusts anglo-saxons et de permettre à la place d’offrir les produits modernes permettant de mieux gérer la problématique des patrimoines familiaux et de fortunes privées. Son succès  dépendra de la volonté ou la possibilité des intervenants à utiliser cet outil.