fiscalité personnelle

La fin de l'exit tax en France

La fin de l'exit tax en France

 

L’article 24 de la loi de finances pour 1999 avait institué l’imposition immédiate des plus-values latentes constatées sur des participations substantielles (participations supérieures à 25%), lorsque, à compter du 9 septembre 1998, le contribuable transférait son domicile fiscal hors de France (codifié à l’article 167 bis du CGI ).

En 1998, en effet, le gouvernement s’était plaint de la fuite des capitaux provoquée par le rétablissement de l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune). Pour dissuader les contribuables « fortunés » d’aller s’installer à l’étranger, le gouvernement avait alors instauré un mécanisme qu’il croyait radical : si un contribuable changeait de domicile fiscal pour aller s’installer à l’étranger, il devait acquitter un impôt de 16% (plus CSG et RDS) des plus-values latentes sur les titres de sociétés françaises qu’il possédait au moment de son départ. C’était une mesure effectivement dissuasive puisqu’elle s’appliquait à des plus-values qui n’avaient pas été réalisées, constituant au passage une entorse grave à l’article 12 du Code Général des Impôts qui stipule lui que ‘‘l’impôt est dû chaque année sur les bénéfices réalisés au cours de la même année’’.

Certes, le contribuable pouvait demander à bénéficier d’un sursis de paiement correspondant à ces plus-values en vertu de l’article 167 bis II du Code Général des Impôts, mais il fallait d’une part demander expressément à bénéficier du sursis et, d’autre part, constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

La Cour de Justice des Communautés Européennes a pris position sur la compatibilité du dispositif français avec le droit communautaire. Elle a affirmé à cette occasion que : « Le principe de liberté d’établissement posé par l’article 43 du traité instituant la Communauté Européenne doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un Etat membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167 bis du Code Général des Impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet Etat. »

En effet, l’un des objectifs du Traité de 1957 (modifié plusieurs fois depuis cette date) était de réaliser l’abolition, entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Cet objectif trouve sa concrétisation dans l’article 43 du traité instituant la Communauté Européenne qui dispose que « les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites » et que « la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises ». Pour la Cour, cet article constitue l’une des dispositions fondamentales de la Communauté directement applicables dans chacun des Etats membres.

La liberté d’établissement en Europe est donc confirmée et l’intérêt de cette décision va plus loin que la simple condamnation du dispositif français, car elle s ‘applique aussi à tous les états membres qui auraient pu être tentés par des mesures similaires (l’Allemagne par exemple).

Le gouvernement français a quant à lui rapidement tiré toutes les conséquences de cet arrêt puisque la loi de finances 2005, dans son article 19, abroge l’article 167.1.bis du CGI et l’article 167.bis à compter du 1 janvier 2005. Cette abrogation pure et simple des articles 167.bis et 167.1.bis du CGI va même au delà de ce que demandait Bruxelles puisque, dorénavant, tout résident et contribuable français est libre de partir s’installer n’importe où dans le monde (et pas seulement au sein de l’Union Européenne) sans avoir à acquitter auparavant l’impôt sur les plus values latentes.