droit des sociétés

La société Européenne (SE) au Luxembourg

La société Européenne (SE) au Luxembourg

Le Luxembourg, par sa loi du 25 août 2006, a introduit en droit luxembourgeois la société européenne (SE), conformément aux dispositions du Règlement 2157/2001 du Conseil européen du 8 octobre 2001 et en a profité pour moderniser le droit des sociétés au Luxembourg (voir aussi notre article sur la modernisation du droit luxembourgeois).

L’idée de la société européenne était très ancienne puisqu'elle remonte à 1949 où elle a été présentée pour la première fois au Conseil de l’Europe. Son objectif est de permettre une mobilité intracommunautaire, à l’intérieur d’un « marché unique européen » que les états s'efforcent de faire émerger. L’adoption d’un règlement et non d’une directive en 2001 correspond du reste à une volonté d’imposer des règles communes et cohérentes à l’intérieur de l’Europe et à limiter les adaptations indispensables du cadre juridique national. Il n’en reste pas moins que cette adaptation a et va créer une véritable concurrence entre les divers systèmes juridiques des pays de l’Union, car il est évident que chaque état à intérêt à favoriser l’implantation des sociétés européennes dans son propre pays.

Quoi qu’il en soit, les principales caractéristiques d’une société européenne sont sensiblement les mêmes partout en Europe et sont les suivantes au Luxembourg:

  • La société européenne est une société de capitaux et son capital minimum est de 120.000,- euros;
  • La société européenne possède une appellation spécifique: elle doit faire précéder ou suivre sa dénomination du sigle « SE »;
  • Il existe quatre modalités pour constituer une société européenne : par fusion, par constitution d’une société holding, par création d’une filiale ou par transformation d’une société anonyme luxembourgeoise (il faut alors dans ce dernier cas que la société anonyme luxembourgeoise ait détenu une filiale dans un autre état membre depuis au moins 2 ans). Dans chacun des cas, il faut qu’il existe au préalable au moins deux sociétés implantées dans deux états membres et donc une création « ex nihilo » est impossible. En outre, la création d'une SE par constitution d'une société holding ou d'une société filiale de sociétés déjà implantées dans deux états de l'UE suppose, de manière supplémentaire, que ces sociétés préexistantes détiennent, chacune, depuis au moins deux ans, soit une sucursale, soit une filiale installée dans un autre état membre que celui de leur nationalité.  
  • La société européenne doit être immatriculée dans le même Etat membre que celui de son administration centrale (notion remplaçant celle du principal établissement);
  • La société européenne peut décider à la majorité qualifiée de transférer son siège social sans dissolution ni création d’une personne morale nouvelle dans un autre Etat membre;
  • La société européenne est réputée exister à partir de son immatriculation au Registre de commerce et des sociétés.

Pour le reste, s'agissant du Luxembourg, l’essentiel des règles relatives au capital, aux assemblées, aux organes de direction, à la publication des comptes et à la dissolution sont les mêmes que celles applicables à la société anonyme. La société européenne est en fait, au Luxembourg, une variante de l’espèce "société anonyme».

Ces caractéristiques ont été introduites par la modification de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, de telle sorte que la « société européenne version luxembourgeoise » suivra les règles déjà existantes qui régissent la société anonyme luxembourgeoise, avec quelques nouveautés qui ont été introduites avec la loi du 25 août 2006 (nouveautés analysées dans notre article sur la modernisation du droit luxembourgeois).

La société européenne est rattachée à un système juridique national du pays dans lequel la société européenne a le siège de son administration centrale. «L’administration centrale d’une société est présumée, jusqu’à preuve du contraire, coïncider avec le lieu du siège statutaire de la société» dit l’article 1er de la loi du 25 août 2006.

La possibilité offerte de migrer à l’intérieur de l’Europe, sans perte ou sans altération de la personnalité morale, ouvre de nombreuses perspectives, et certains états pourraient se lancer dans des textes de loi dont le but serait d’attirer un grand nombre de sociétés dans leur pays. Le Luxembourg en a décidé autrement en rattachant la société européenne à la loi existante et donc sans modification du cadre législatif existant, comme indiqué ci-dessus. Il est vrai que le cadre législatif luxembourgeois est d'ores et déjà un des plus libéral d’Europe.

Le critère déterminant cependant du choix d’une implantation demeurera le régime fiscal qui pourrait être appliqué. Mais le Règlement européen qui encadre la Société Européenne (SE) exclut volontairement le volet fiscal de son champ d’application. Il en résulte que pour l’instant la société européenne sera soumise non seulement aux conséquences de la fiscalité de son Etat d’implantation, mais aussi celles des Etats dans lesquels se situent ses succursales ou filiales, ce qui ne change donc rien à la situation existant avec d'autres formes de sociétés.

Le Luxembourg a décidé là aussi d’assimiler fiscalement la société européenne à une société de capitaux à l’instar d’une société anonyme.

La forme de la Société Européenne (SE) implique néanmoins, au Luxembourg comme dans les autres états européens, l'implication des représentants des travailleurs, réunis en Groupe Spécial de Négociation (GSN) ou en Organe de Représentation des travailleurs (OR). La lourdeur et la complexité des règles de fonctionnement du Groupe Spécial de Négociation (GSN) ou de l'Organe de Représentation des travailleurs (OR) contribuent pour beaucoup au moindre succès de la SE comme forme de société.